Brokeback Mountain à @sohoplace – avis

Après le livre et le film vient la pièce de théâtre. Avec des chansons. La tendre nouvelle d’Annie Proulx sur deux cow-boys qui se rencontrent à Brokeback Mountain et trouvent un amour qui façonne – et détruit – leur vie, est un récit incroyablement émouvant pour notre époque.

Il ne peut manquer d’opérer ici une partie de sa magie, notamment avec un casting qui amène sur la scène du West End deux stars américaines, Mike Faist (Riff dans Steven Spielberg’s West Side Story) et Lucas Hedges (de Manchester au bord de la mer notoriété). De plus, il contient des chansons de Dan Gillespie Sells qui a écrit Tout le monde parle de Jamie.

Avec Eddi Reader chantant à l’avant d’un bon groupe live, y compris l’harmonica gémissant, ils remplissent l’air d’une beauté mélancolique, comprenant que dans un passé pas trop lointain, le projet et le Vietnam n’étaient pas la seule chose qui menaçait le la vie des homosexuels. Même dans le cadre urbain d’un théâtre londonien, leurs paroles de nostalgie et de paysage – « Dawn comes in/Glassy and orange and slow » – évoquent l’esprit de liberté et de gloire naturelle qui fait partie de l’histoire de Brokeback.

L’ensemble entouré de paille de Tom Pye, avec un vrai feu brûlant, fait un travail similaire en faisant allusion aux espaces ouverts de l’Ouest américain, aidé par l’éclairage de David Finn et un paysage sonore de Christopher Shutt, avec des moutons, des chiens et des coyotes. Où cette nouvelle version de montagne de Brokeback les luttes consistent à trouver un moyen de laisser s’envoler l’émotion contenue dans l’histoire; il se sent confiné dans le sentiment, pas dans l’action.

C’est une première pièce de théâtre de l’écrivain Ashley Robinson et il a façonné le conte dans une structure nette et pointue, l’encadrant (comme la nouvelle) comme un souvenir, vu à travers les yeux de Paul Hickey, jouant Ennis dans la vieillesse. À partir du moment où le cavalier de rodéo expansif de Faist, Jack et Ennis, la main silencieuse du ranch de Hedges, se rencontrent dans les scènes d’ouverture, les autres personnages (tous les hommes joués par Martin Marquez) sont de petits acteurs dans leur drame de désir à la fois comblé et frustré.

L’adaptation de Robinson – qui colle assez près du langage de Proulx – a fait honneur au caractère taciturne de l’histoire. Peu de choses sont expliquées. Mais là où sur la page, les mots peuvent atterrir avec une puissance singulière, et à l’écran on vit dans le paysage avec les hommes, sur scène bien souvent l’action devient menue, se balançant de scène en scène, d’année en année, sans jamais trouver un façon de donner à la relation un espace pour respirer.

A un moment, Jack et Ennis semblent être des étrangers, le suivant – sans trop d’avertissement, ni le moindre signe d’étincelle – ils s’agrippent (discrètement) à l’intérieur d’une tente. L’intimité entre eux est établie mais pas la profondeur de leur liaison sur une vingtaine d’années. C’est une grosse demande pour une pièce de théâtre d’établir ce genre d’arc, mais la direction légèrement frénétique de Butterell augmente le sentiment d’accélérer le long de la surface et le dispositif consistant à faire en sorte que l’Ennis plus âgé regarde l’action semble intrusif plutôt qu’éclairant.

Les deux performances de tête sont pourtant finement dessinées. En tant que Jack, Faist a un sourire qui se propage lentement et un sentiment d’urgence refoulée alors qu’il rêve d’une vie sans honte, avec Ennis à ses côtés. La scène où Ennis rejette sa suggestion qu’ils vivent ensemble parce qu’il craint tellement que leur amour ne mène à leur mort est magnifiquement et émotionnellement gérée, et tout au long de Hedges, avec de minuscules gestes et expressions, suggère puissamment un homme dont la douleur est à la fois invisible et insoluble. Le « si vous ne pouvez pas le réparer, vous devez le supporter » de Jack devient le mantra qui façonne et déforme toute sa vie, y compris sa relation avec sa femme Alma (acquise d’une dignité en colère en quelques instants sur scène par Emily Fairn.)

Le moment où les deux hommes se tiennent, bras l’un autour de l’autre, au clair de lune, alors que la musique se déverse autour d’eux est un signe de ce qu’aurait pu être ce jeu avec des chansons. Cela reste une histoire pleine d’émotion, mais qui ne s’élève jamais tout à fait aux sommets de poésie et de sens auxquels vous vous attendez.