Fantômes au Sam Wanamaker Playhouse du Shakespeare’s Globe – critique

La toute première mise en scène Ibsen du Playhouse se poursuit jusqu’au 28 janvier

Tristement décrit par les critiques de théâtre de la fin du XIXe siècle comme « répugnant », « inexprimablement offensant » et « une fuite à ciel ouvert » lors de sa première, le film d’Henrik Ibsen Des fantômes n’a peut-être plus le même pouvoir de choquer et d’indigner mais, avec ses thèmes d’IST congénitales, d’inceste, d’euthanasie et d’autres sombres secrets de famille, il conserve une sombre fascination. Cela est particulièrement vrai lorsqu’il apparaît dans une nouvelle version aussi captivante que celle de Joe Hill-Gibbins, donnant ainsi un bon départ à la saison du dixième anniversaire du Sam Wanamaker Playhouse du Globe.

Hill-Gibbins assure l’adaptation ainsi que la mise en scène et a réduit la pièce à 100 minutes sans intervalle avec l’urgence d’un thriller mais aussi, sous la lueur des bougies du SWP, une qualité onirique troublante. Le drame d’Ibsen était en avance sur son temps avec ses dialogues et son rythme naturalistes, et Hill-Gibbins, dans cette version vestimentaire tendue, tendue et moderne, le rend entièrement conversationnel, de sorte que lorsque les grands moments dramatiques surviennent, ils frappent avec une force choquante.

Ce Des fantômes est mêlé d’humour amer et d’une surprenante sensualité torturée : des personnages se tordent sur le sol, une bouteille de champagne est vidée sur la tête de quelqu’un, la veuve Hélène Alving (Hattie Morahan) chevauche son fils bien-aimé Oswald pour tenter de le calmer, elle vole vers le pasteur. Manders (Paul Hilton) comme une fureur vengeresse, le jetant au sol… c’est une version passionnée et convaincante de la pièce, mais elle semble complètement en phase avec ce qu’a écrit Ibsen. L’obscurité évoquée régulièrement tout au long du texte est une présence palpable et narcotique, comme une menace envahissante et toujours plus forte.

Paul Hilton et Hattie Morahan dans une scène de Ghosts at the Sam Wanamaker Playhouse

La magnificence du jeu des acteurs est un facteur clé du succès de la production. Morahan est inoubliable, une figure hantée dont les conflits internes entre la gentillesse innée, la panique aveugle et l’acier impénétrable remontent inexorablement à la surface alors que le château de cartes de sa famille commence à s’effondrer autour d’elle. Tout aussi remarquable est Stuart Thompson qui investit Oswald avec un masque de magnétisme ironique et débauché qui glisse parfois pour révéler le visage de quelqu’un qui regarde désespérément dans l’abîme. La scène finale entre la mère et le fils, mise en scène de manière inventive pour inclure l’extinction progressive et terrible des bougies de la scène, est horriblement émouvante.

Sarah Slimani est dure mais chaleureuse, aussi sympathique qu’impénétrable, comme la jeune femme qui, selon lui, pourrait le sauver. Greg Hicks réalise une brillante étude de la manipulation obséquieuse et de la méchanceté lente dans le rôle de son père déshonorant, et Paul Hilton, dans une performance finement détaillée, trouve chaque note et chaque couche du pasteur égocentrique et trompeusement dangereux, trop étroitement lié à la malheureuse famille Alving pour le réconfort.

La créatrice Rosanna Vize, s’inspirant apparemment de la description d’Oswald, frappé par la syphilis, décrivant son cerveau ramolli comme étant comme du « velours rouge cerise », a recouvert tout le sol de la scène d’une profusion de tissu écarlate luxuriant et légèrement hirsute. Éclairé par la faible lueur des bougies, il semble au départ atmosphérique et invitant, mais à mesure que la pièce progresse, il ressemble de plus en plus à une boue toxique menaçant d’engloutir les figures humaines en entier. Un mur de miroirs géant au fond de la scène, suggérant qu’il n’y a nulle part où se cacher et que toutes les erreurs ou contre-vérités seront découvertes et amplifiées (même lorsque les acteurs montent en coulisses, nous voyons chaque expression faciale), ajoute encore au sentiment de malaise. C’est un design frappant, mais la fermeture complète de l’arrière de la scène entraîne parfois un blocage légèrement gênant des entrées et des sorties.

L’emprise des méfaits passés sur la vie d’aujourd’hui, les « péchés des pères » qui s’abattent sur la progéniture et l’irresponsabilité des hommes qui mettent en péril la vie des femmes sont des thèmes dramatiques qui résonnent à travers les âges et Des fantômes reste une montre captivante et impliquante. La réimagination audacieuse, sombre mais intelligente de Hill-Gibbins de cette petite chambre théâtrale des horreurs familiales est compulsive et discrètement révélatrice. Des trucs obsédants.