Il n’y a pas de cachette pour le personnage central Dame Dealer. Elle se réveille au milieu de la scène après ce qui aurait pu être une nuit difficile, et pendant l’heure suivante, elle est au centre de l’attention du public, partageant la scène avec rien d’autre que quelques haut-parleurs et quelques câbles avec lesquels pour recharger son téléphone.
Il s’agit de Charly, un trafiquant de drogue de 26 ans qui vit seul dans un HLM à Peckham. Elle est atypique dans son métier, étant une femme, et aujourd’hui, nous dit-elle, ça va être comme tous les autres jours, et c’est bien… n’est-ce pas ?
Il s’avère que ce n’est pas si simple. La nouvelle pièce de Martha Watson Allpress au théâtre Rounadbout de Summerhall nous plonge au cœur de la personnalité de Charly, et il s’avère que sa confiance n’est peut-être pas si authentique après tout. Elle répète fréquemment des phrases clés pour se rassurer, au premier rang desquelles son simple mantra « Je vais bien ». Cependant, cela devient moins convaincant à chaque répétition.
La pièce ne contient pas beaucoup d’action. Charly prépare son café du matin, reçoit la visite d’un client, se rend chez McDonald’s et rencontre ses voisins du rez-de-chaussée lors d’une coupure de courant. Cependant, sa réaction à ces événements l’emmène, elle et nous, au plus profond de sa psyché pour révéler quelqu’un en qui l’insécurité et la fragilité bouillonnent progressivement mais systématiquement, et dont la bravade devient moins convaincante à mesure que la pièce progresse.
Le langage d’Allpress est délicieusement ludique. Apparemment, la pièce est un poème, mais c’est plutôt un rap très libre avec une rime occasionnelle (dont Charly se moque à un moment donné) si bien que j’ai arrêté de le remarquer au bout d’un moment. Ce n’est pas un vers blanc. D’autres astuces linguistiques incluent la répétition peu convaincante et des phrases occasionnelles pour la faire paraître plus instruite que ce à quoi nous aurions pu nous attendre. Des tournants occasionnels, comme la description inhabituellement sensuelle de la tour de livres qu’elle garde dans sa chambre, révèlent certaines choses que Charly aurait pu préférer garder cachées, et les images qu’Allpress met dans la bouche de Charly sont souvent d’une poésie émouvante. Dans l’un de ses moments les plus honnêtes, Charly se décrit comme un feu de forêt ou une décharge, et elle admet avec émotion : « Je n’ai aucune honte à propos de mon travail. Je ressens une profonde honte pour moi-même.
La force de la pièce réside dans la façon dont Charly, pleinement, mais presque involontairement, met le public en confiance. Cela est dû en partie à l’habileté avec laquelle le monologue de Charly est interprété par la très sympathique Alexa Davies. C’est une boule d’énergie qui tient le public en haleine et elle incarne chaque aspect du personnage de Charly, dans sa découverte de soi et son auto-illusion, avec à la fois honnêteté et empathie. La mise en scène d’Emily Aboud est claire et ciblée, utilisant le son et la lumière pour compléter le jeu des acteurs dans l’espace circulaire.
Spoilers pour la suite mais, malheureusement, la fin de la pièce s’essouffle un peu. L’introduction d’un deuxième personnage dans les derniers instants semble inutile. Davies est parfaitement capable de retenir notre attention toute seule, comme le démontre la claustrophobie de ces derniers instants où elle s’enveloppe dans des choses qui lui rappellent son ex-amant. Alors que nous obtenons un aperçu plus approfondi du personnage de Charly, à la fin de la pièce, elle est aussi illusionnée et coincée dans sa situation qu’avant. Peut-être tous les jours est c’est pareil pour elle, après tout.