Le Marchand de Venise 1936 avec Tracy-Ann Oberman – critique

Il y a un moment extraordinaire à la fin de cette réinvention soignée de Le Marchand de Venise 1936 quand Tracy-Ann Oberman, jouant Shylock, abandonne son caractère et son fort accent hébreu pour nous rappeler, à l’aube, qu’en tant que société, nous sommes « mieux ensemble ».

Une telle messagerie lourde pourrait sembler plutôt banale. Mais à une époque de polarisation toujours croissante autour de tant de questions, notamment l’immigration, cela semble à la fois urgent et profondément émouvant. Il s’agit d’une production qui ne craint pas les éléments les plus problématiques de la pièce et, en la mettant en scène pendant les émeutes fascistes de Londres des années 1930, nous rappelle que de telles attitudes sont tout sauf étrangères.

La performance d’Oberman est le point d’ancrage de la production passionnée de sa co-adaptateur Brigid Larmour. C’est une représentation courageuse et profondément personnelle – elle a basé son prêteur sur gages Shylock sur l’histoire de son arrière-grand-mère. Sa livraison du « Si vous nous piquez, ne saignons-nous pas? » le discours de l’acte trois est particulièrement émouvant, car elle s’interrompt entre chaque question comme pour souligner la pure folie de l’idée qu’elles doivent être posées. Elle montre certainement que Shylock fonctionne aussi bien joué par une femme, notamment en raison de la note supplémentaire de misogynie dans l’antisémitisme piquant montré à son égard.

Le personnage d’Antonio (Raymond Coulthard) est refondu comme un fasciste convaincu – et clairement homosexuel -, manquant de certaines des nuances que l’on voit dans d’autres représentations plus complètes (cette Marchand tourne d’un trait, à un peu plus de deux heures d’intervalle comprises). Cependant, cela signifie que sa bromance avec Bassanio (Adam Buchanan) et Gratiano (Xavier Starr) capture le ventre voyou de ces garçons de Bullingdon. La scène du procès culminant est particulièrement horrible, car ils célèbrent la conversion forcée de Shylock au christianisme comme s’ils venaient de gagner un match de rugby à l’école.

Il y a aussi du bon travail de Hannah Morrish, dont Portia est calquée sur Diana Mosley (née Mitford), montrant non seulement sa vanité mais sa soif de pouvoir à tout prix. Et Priyank Morjaria et Gráinne Dromgoole font une Jessica et Lorenzo convaincants, dont la relation chrétienne alourdit la misère de Shylock, aggravée par le fait qu’elle est une mère célibataire.

Les créations de Liz Cooke capturent la grisaille de Dickens de l’East End d’avant-guerre et la bataille de Cable Street, dans laquelle les chemises noires de Mosley ont été repoussées, est évoquée non seulement par les effets sonores de Sarah Weltman, mais aussi par une poignée de spectateurs sur scène qui apportent leur contribution. des chaises pour former une barricade (je m’attendais à moitié à ce qu’Enjolras apparaisse et se mette à chanter). C’est un final énergique et très théâtral à cette interprétation audacieuse et lucide.