Les Confessions au Théâtre National – critique

La production d’Alexander Zeldin se déroule jusqu’au 4 novembre à Londres avant de poursuivre sa tournée européenne jusqu’au printemps 2024

Il s’ouvre sur une femme debout devant un rideau bordeaux délavé, partageant ses souvenirs. «Je ne suis pas intéressante», déclare-t-elle. « Je suis une vieille dame. Qu’est-ce qu’il y a de si intéressant chez moi ? Puis elle tire le rideau pour révéler une autre scène, insérée dans le cadre de la vraie. Elle disparaît à travers un autre rideau bordeaux et une jeune femme en robe sorbet citron sort, frissonnante d’excitation, au seuil de sa vie.

C’est un début saisissant pour une pièce merveilleuse et pleine de compassion. Celui d’Alexandre Zeldin Les confessions met littéralement une femme au centre de la scène puis, avec soin et compréhension, lui permet de raconter l’histoire de sa vie.

Dans ses travaux antérieurs, notamment La trilogie des inégalités, Zeldin a tourné son regard empathique mais sans ciller vers les personnes aux prises avec les effets de la pauvreté. Ici, l’histoire est beaucoup plus personnelle. C’est basé sur des conversations qu’il a eues avec sa propre mère et un personnage appelé Léandre – décousu, en colère, interrogateur – fait son apparition.

Alors que l’histoire d’Alice se déroule de l’Australie à la fin des années 1950 jusqu’au Royaume-Uni, quelque part aujourd’hui, son style caractéristique émerge. Zeldin crée un théâtre incontournable et original, à la fois inébranlable et gentil, à la fois consciemment irréel et totalement naturaliste. Le résultat est une autre histoire aux sentiments immenses, contenue dans un cadre contrôlé.

Alice est interprétée par deux actrices : Amelda Brown est la femme la plus âgée, qui revient sur son passé, observant ses expériences avec une compréhension constante et un pincement occasionnel de tristesse. Eryn Jean Norvill assume sa jeunesse, passant de l’incertitude à une maturité plus savante. Pourtant, les parties sont indivisibles : lorsque la jeune Alice est attaquée, c’est Brown qui met en scène sa tentative de trouver le salut.

Amelda Brown dans une scène des Confessions au Théâtre National

Le thème qui émerge est celui du choix : Alice essaie toujours de se forger des options, même lorsque la société les lui ferme. Sa douceur combinée à son désir de faire quelque chose d’elle-même lutte constamment contre un monde qui la traite durement.

La trajectoire de sa lutte est marquée par une série de scènes rapides qui se déroulent dans les limites du décor délibérément mis en scène de Marg Horwell – une cuisine sur un camion qui est transformée par les machinistes pour devenir différents espaces. L’éclairage de Paule Constable est austère, plat, réaliste. La moitié du temps, les lumières de la maison sont allumées. Lorsqu’une chose terrible arrive à Alice derrière une porte, hors scène, le public est plongé dans l’obscurité et le silence. Nous restons assis, complices, incapables d’intervenir.

La tension de cette scène, juste au moment où Alice semble contrôler sa vie, est écrasante. Zeldin, en tant que réalisateur et scénariste, accorde la plus haute importance au sort d’Alice, suscitant un sentiment d’implication déchirant. Nous voyons ses aspirations académiques être écrasées par son propre manque de confiance en soi et le désir de sa mère de se marier ; nous rencontrons son premier mari dominateur qui insiste sur sa soumission ; nous voyons sa liberté naissante réprimée par les hippies libéraux qui sont censés l’encourager.

Lorsqu’elle trouve l’amour et le bonheur – s’avançant pour l’arracher à deux mains –, celui-ci est à nouveau brisé. Pourtant, à travers tout cela, elle reste tranquillement déterminée, arrachant un choix à une vie qui semble le lui fermer. Son voyage est absolument captivant – une justification de la citation de Simone de Beauvoir lue à haute voix lors d’un dîner embarrassant. « Ma vie serait une belle histoire qui deviendrait vraie, petit à petit, au fur et à mesure que je me la racontais. »

Dans cette production itinérante, montée par la compagnie Alexander Zeldin, chaque acteur joue de nombreux rôles. Ils le font avec conviction, chacun assumant des rôles qui semblent répéter des caractéristiques, créant un modèle de comportement : Pamela Rabe est exceptionnelle à la fois en tant que mère d’Alice et en tant que gourou féministe, la première soumise en surface, résolue en dessous, la seconde en tant qu’individu radical. ses droits mis de côté dans sa propre confiance en soi ; Joe Bannister affronte deux hommes insupportables, un mari brisé et un conférencier fanfaron ; Brian Lipson est à la fois le père solidaire d’Alice et son dernier amour ; Gabrielle Scawthorn est une amie irritante mais aimante. La musique de Yannis Philippakis lie les humeurs changeantes avec une compréhension discrète.

L’ensemble de cette entreprise rappelle à quel point une vie ordinaire peut être extraordinaire, mais aussi à la nature magique du théâtre lui-même, à la façon dont il peut prendre l’expérience d’une personne et la transformer en un conte pour tous les âges, une fable collective. de réalisation de soi et d’espoir.