Le dramaturge David Ireland, né à Belfast et installé à Glasgow, aime choquer. Il aime aussi faire rire. C'est cette combinaison qui permet à ses pièces d'être si dérangeantes et incendiaires.
Après avoir abordé l’infanticide en Avenue de Chypre et Brexit et #MeToo dans Américain d'Ulsterdans La cinquième étapeDans sa nouvelle pièce pour le Théâtre national d'Écosse, dont la première aura lieu au Festival international d'Édimbourg, il s'intéresse aux Alcooliques anonymes, ou plus précisément à la relation dysfonctionnelle entre un jeune alcoolique en voie de guérison et son parrain plus âgé. Le chaos et la violence s'ensuivent inévitablement.
Jack Lowden, qui fait son retour sur scène pour la première fois depuis 2018, joue le rôle de Luka, que nous rencontrons pour la première fois dans l'une de ces pièces nues, aux chaises en plastique dur, où se rassemblent si souvent les solitaires et les perdus. Luka, tout en yeux et jambes tremblantes, les mains enfoncées férocement dans les poches, est les deux. Il a arrêté de boire, mais il pense qu'il pourrait être un incel ; sans alcool, il a perdu la capacité de parler aux femmes. Il demande à l'oncle et gentil James (Sean Gilder) s'il veut être son parrain, l'aidant à traverser le champ de mines de l'abstinence.
La pièce se déroule à partir de là, avec le cube tournant de Milla Clarke et l'éclairage de Lizzie Powell qui ouvre différentes pièces et perspectives, des cafés miteux à la salle de sport où Luka vit une révélation qui va changer sa vie. Bien que le récit soit construit autour de la cinquième étape du programme des Alcooliques Anonymes (le moment où vous partagez l'inventaire moral de toutes les mauvaises choses que vous avez faites dans votre vie avec quelqu'un en qui vous avez confiance), ce n'est pas vraiment ce qui intéresse Ireland.
Ce qui anime l’œuvre, c’est la fascination pour la masculinité et la difficulté qu’ont les hommes à se définir, voire à être honnêtes quant à leurs propres sentiments. Dans des dialogues magnifiquement écrits et pondérés, les deux hommes tournent constamment autour de questions sur la sexualité et le désir, leur relation avec les femmes, leur désir d’être – ou de trouver – des modèles masculins positifs. Dieu et la recherche d’un sens universel occupent une place importante, tout comme les échecs de la religion établie.
C'est sérieux, mais aussi incroyablement drôle. La révélation de Luka à propos de la salle de sport survient après qu'il croit que l'acteur Willem Defoe, qui a joué un jour Jésus, s'entraînait sur le tapis roulant à côté de lui ; sa description et les doutes croissants de James sont brillamment transmis. Une discussion sur la pornographie et la masturbation a également accumulé un pouvoir comique.
Le jeu des deux acteurs est superbe, posé et sans chichis. Lowden transmet magnifiquement la sensibilité perdue du petit garçon de Luka, la façon dont il ricoche d'une position à l'autre alors qu'il essaie de se trouver et de donner un sens aux sentiments qui le bombardent ; Gilder laisse les faiblesses de James émerger plus lentement, essayant constamment de jouer le rôle de mentor sans reconnaître ses propres défauts.
Le drame, réalisé avec brio par Finn de Hertog, n'est pas entièrement naturaliste. Dès le début, Luka explique son amour pour les films d'horreur – plus ils sont violents, mieux c'est – et il y a toujours une pointe de menace, de surnaturel et d'inexpliqué à mesure que la tension monte. Les films aussi, et la façon dont ils façonnent notre vision du monde et nos attentes quant à la façon dont les choses vont évoluer, jouent également un rôle dans la structure complexe de l'Irlande. Taureau enragé que Luka incarne – avec une excellente imitation de De Niro par Lowden – dans la première scène, trouve un pendant dans la vie réelle plus tard.
C'est une écriture intelligente et tendue, qui ne perd jamais son emprise. La pièce n'arrive à aucune conclusion évidente et devient plus lâche à mesure qu'elle s'efforce de trouver une fin, mais l'instantané d'hommes en difficulté qu'elle présente attire l'attention.