Visiteurs au Théâtre du Moulin à eau – avis

L’écrivain et réalisateur Barney Norris est un homme de la région, dont la propre vie a été affectée par la démence au cœur des voyages de ses personnages. Il affiche tant de connaissances et d’affection profondes dans cette histoire d’amour qui dépasse les défis presque insurmontables de traiter avec un être cher atteint de démence. Couplé à son sentiment évident pour la campagne du Berkshire et du Wiltshire autour et au-delà du moulin à eau, cela en fait une soirée élégiaque.

L’ensemble de Good Teeth Designers réussit à suggérer un intérieur de ferme rustique et chaleureux, avec des fauteuils préférés qui s’estompent doucement sur un tapis crème vieillissant; et la campagne locale (renforcée par le paysage sonore évocateur d’Ed Lewis) à la fois au-delà des fenêtres et «à l’extérieur» en bas de la scène. L’éclairage de James Whiteside a des rayons de soleil brillants illuminant la pièce minable et s’assombrissant au violet à la tombée de la nuit. Ici se trouve la chaleureuse Edie de Tessa Bell Briggs, dans un fouillis de vêtements usés, recouverte de la taille aux genoux d’un tapis en patchwork. Edie aussi s’efface doucement, empruntant le chemin d’une vague compréhension de son monde, de ses relations, à une démence à la fois cruelle et gentille.

Assis à côté d’elle ou planant avec sollicitude mais de plus en plus inefficacement au-dessus d’elle, se trouve Arthur (Christopher Ravenscroft), son mari depuis de nombreuses décennies. Avec la ferme défaillante faisant écho à la mémoire défaillante d’Edie, il n’est pas étonnant que des lignes d’inquiétude soient gravées sur son visage. Pas étonnant non plus que l’échec du mariage de leur fils Stephen et l’éloignement de sa famille, en raison d’une charge de travail obsessionnelle parcourant la campagne locale, lui laissent peu de place pour s’occuper des besoins de ses parents. Le Stephen déconnecté de Patrick Toomey entre et sort de leur vie et de leur salon, toujours préoccupé, incapable d’investir le temps nécessaire pour offrir une aide efficace ou pour se connecter correctement avec eux.

Il n’est pas surprenant, et peut-être à son crédit, qu’il enrôle un jeune diplômé récent vigoureux pour prendre soin d’Edie d’Arthur et pour prendre subtilement soin d’Arthur aussi. La fougueuse et redoutable Kate de Nathalie Barclay fait irruption sur scène comme une bouffée d’air frais, époustouflant littéralement les rejetons des deux générations précédentes, alors qu’elle s’attelle à son nouveau travail d’« année sabbatique ». Bish bash bosh, elle prépare des tasses de thé en quelques secondes de temps réel, un joli moment de surréalisme efficace.

Ayant accompagné ma propre mère décédée dans son parcours de démence, je peux garantir l’authenticité du récit empathique et perspicace de Norris. Chacun des quatre personnages emmène le spectateur dans son propre voyage, sillonnant les chemins des trois autres. Je reconnais particulièrement l’arc aux détails touchants d’Edie, commençant presque jovialement, avec Bell Briggs exploitant la comédie (et je conviens qu’il y en avait beaucoup dans le voyage de ma mère), avant qu’elle ne sombre dans le pathos de perdre progressivement sa mémoire, de sorte que chaque rencontre dans la salle est pour elle une première – une brève première.

La prochaine étape pour Edie, c’est en fait pour son entourage de prendre la difficile décision d’essayer de lui trouver une place dans un foyer. C’est surtout pour Arthur que c’est le plus difficile. Il est le plus profondément affecté par l’acceptation de cette évolution indésirable. Comment l’unité de décennies de mariage, de vie, d’amour et de travail dans leur ferme, survivra-t-elle à la perte physique ? Le récit de Ravenscroft sur la lutte pour accepter l’idée de séparation est tout à fait convaincant et profondément émouvant. Avec un grand amour, vient une grande perte, si les circonstances l’exigent.

« Only connect », exhorte EM Forster. Si seulement ce couple le peut, il le fera. C’est le fils Arthur, représentant la génération intermédiaire, qui s’efforce de reconnaître son besoin de se connecter et de travailler pour y parvenir ; et connaissant la jeune Kate se rend compte qu’elle n’est qu’au début de la recherche de connexion. Le récit détaillé de Norris des connexions et des déconnexions de ces trois générations, en suivant ces quatre dans leurs voyages entrelacés, constitue un voyage émouvant, absorbant et stimulant, pour un public totalement connecté.