Avec Oppenheimer En remplissant les multiplexes cet été, la première au Royaume-Uni et la reprise, à l’occasion du 10e anniversaire, de la pièce d’Alan Brody sur les scientifiques qui ont travaillé sur le programme nucléaire allemand tombent certainement à point nommé.
L’action se déroule à Farm Hall, près de Cambridge, une maison de campagne où dix grands esprits allemands, dont plusieurs lauréats du prix Nobel, ont été internés par les Alliés à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Comme nous l’apprend une exposition plutôt maladroite, le bâtiment a été mis sur écoute et le but de l’opération est de découvrir à quel point ils étaient sur le point de fabriquer une bombe atomique.
La pièce, basée sur les transcriptions originales, offre un aperçu fascinant de l’autre côté de la course aux armements nucléaires. Et ce qui apparaît rapidement, c’est que les Alliés n’étaient pas vraiment dans la course qu’ils pensaient être. L’équipe allemande, connue sous le nom de « club de l’uranium » d’Hitler, avait depuis longtemps rejeté l’idée de la possibilité d’une bombe et s’était plutôt concentrée sur la construction d’un réacteur nucléaire.
Ainsi, lorsque leur sympathique superviseur britannique Rittner (Simon Bubb) annonce que les Américains ont largué une bombe sur Hiroshima, cela est un coup dur. Werner Heisenberg (Gyuri Sarossy) le prend particulièrement mal et devient obsédé par la recherche de l’erreur dans ses calculs. Il est loin d’être le seul à tenter de sauver la face. Jeune physicien précoce Carl Friedrich von Weizsäcker (Jamie Bogyo – faisant tout un changement de vitesse depuis Moulin Rouge!) craint pour sa carrière prometteuse, tout comme le nerveux Erich Bagge (Matthew Duckett), qui plaide que son appartenance au parti nazi lui a été imposée.
Sans surprise, la situation personnelle de ces hommes les trouble bien plus que celle des victimes de la bombe ou du régime nazi (Bagge compare même leur luxueux confinement à un camp de concentration). Seuls Otto Hahn, de Nathaniel Parker, dont les travaux d’avant-guerre sur la fission nucléaire constituaient une étape cruciale sur la route vers Hiroshima, et l’objecteur nazi Max von Laue (Simon Chandler), semblent sur le point d’en saisir les ramifications.
La production d’Andy Sandberg joue une batte droite, se déployant sur le décor détaillé en coupe de Janie E Howland. Il peine un peu à trouver du dynamisme ; la vaste étendue du Southwark Elephant oblige la compagnie de 11 personnes à passer une grande partie de son temps disposées en longue file. Mais le niveau supérieur et le bureau latéral permettent au moins des coupes plus intimes, et les acteurs font du bon travail sur les scènes d’ensemble, même si les disputes persistantes deviennent un peu lassantes.
La prolifération des personnages rend difficile la maîtrise complète de chacun d’eux, et leur ampleur semble gonflée ; comme regarder une production du West End coincée dans un espace marginal. Mais ce sont sans aucun doute quelques heures divertissantes qui mettent en lumière un aspect peu connu de l’effort de guerre (il semble assez honteux que les hommes aient été confinés si longtemps après la fin de la guerre). Et le fait que le scénario de Brody donne le dernier mot à une scientifique – Lise Meitner, dont la contribution vitale a été littéralement réduite à une note de bas de page par ses anciens collègues – ressemble à une petite mesure de justice.