La pièce captivante de Tawni O'Dell est un mémoire théâtral d'un traumatisme imprégné de colère et de regret, mais aussi d'une grande dose d'amour rédempteur et d'espoir. C'est une histoire vraie, décrivant les retombées du viol de la fille d'O'Dell, les effets de ce viol (« le crime ne s'efface pas, il métastase ! ») sur la famille et le voyage d'autodestruction que de nombreuses victimes entreprennent. À parts égales, exorcisme, réflexion et histoire orale didactique, Quand cela vous arrive présente un manque louable de sensationnalisme et des niveaux d'humour surprenants, parfois d'une noirceur effrayante.
Romancière américaine acclamée, O'Dell écrit pour le théâtre (elle a d'ailleurs joué son propre rôle lors de la première Off-Broadway de la pièce en 2019) avec brio. Son récit est empreint d'une urgence qui s'accorde parfaitement avec la mise en scène élégante et sensible de Jez Bond, austère et immobile quand il le faut, mais plus souvent caractérisée par une théâtralité tourbillonnante et agitée qui stimule mais n'énerve jamais.
Ironiquement, l'authenticité émotionnelle qui donne à la pièce son piquant lui enlève aussi une certaine tension dramatique. Bien que chaque aspect de l'écriture, de la mise en scène et peut-être surtout des interprétations, soit parfait, on a parfois le sentiment inéluctable d'entendre une histoire, même si elle est racontée par un narrateur particulièrement attachant, plutôt que d'assister à une pièce de théâtre à part entière.
Les premières scènes, où Tawni (rebaptisée Tara pour la scène et interprétée avec une portée et un engagement stupéfiants par Amanda Abbington) reçoit un appel téléphonique à 3 heures du matin de sa fille affolée (Rosie Day) et se rend directement à New York pour soutenir son enfant et affronter une pléthore de formalités juridiques, se déroulent au rythme d'un thriller. C'est aussi sombre et méchant, car Abbington juxtapose l'extérieur calme et efficace de Tara avec la détresse et la fureur bouillonnantes qui se cachent en dessous. Puis le dernier quart de la pièce, enflammé par une révélation qui surprend d'abord puis éclaire une grande partie de ce que nous avons vu, est très émouvant : Tara lâche, avec un mélange émouvant de chagrin et de fureur contrôlée, des chiffres et des faits lamentables sur les violations sexuelles des femmes par des hommes. C'est un truc fort, mais le scénario est légèrement gâché par une section médiane lâche où la tension et l'énergie de l'écriture baissent brièvement.
Abbington est magnifique. Résiliente et pleine d'esprit, jusqu'à ce que le traumatisme et la culpabilité mettent ces qualités hors de sa portée, elle a une disponibilité émotionnelle qui semble complètement naturelle et une présence imposante qui est à la fois rassurante et redoutable. Elle est le cœur battant de la série. Esme, interprétée par Day, est également formidable, sa posture voûtée, ses yeux vides et ses bras sans vie qui capturent avec une précision déchirante le langage corporel de quelqu'un qui a pratiquement abandonné. Ses accès de colère sont terriblement convaincants.
Miles Molan projette sans faille l'égocentrisme et le privilège de son frère aîné doué, mais aussi l'horreur qu'il ressent lorsqu'il réalise les dégâts que les hommes peuvent causer aux femmes. Le quatuor d'excellents acteurs est complété par Tok Stephen, qui offre des contrastes subtils et détaillés entre un policier gentil mais pas trop sensible et le nouvel homme dans la vie de Tara. Il est intéressant de noter que le père de ses enfants adultes est à peine mentionné.
La mise en scène de Jez Bond fusionne les éléments techniques (la bande sonore omniprésente et discrètement menaçante de Melanie Wilson et les changements rapides d'éclairage au néon de Sherry Coenen sont particulièrement convaincants) en un tout satisfaisant. Zahra Mansouri l'installe dans un vide discret et élégant, suggérant à la fois la vie urbaine aisée et le paysage légèrement troublant d'un rêve.
Quand cela vous arrive Le film réussit à négocier le délicat compromis entre le côté poignant et le regardable de manière compulsive. Il se termine sur une note d'espoir qui semble née de la réalité et de la maturité, plutôt que du désir compréhensible de ne pas renvoyer le public chez lui complètement déprimé. Il s'agit d'une pièce de théâtre charnue et accomplie, qui se distingue par une performance centrale imposante.